Synthèse objective de la question des particules fines et interrogation sur le rôle de la rénovation énergétique dans l’amélioration de la qualité de l’air.
La France a connu de forts épisodes de pollution de l’air ces derniers hivers. En effet, les seuils d’alerte pour pollution aux particules fines sont souvent dépassés en Ile-de-France et ailleurs. En général, après plusieurs jours de pollution à Paris, Airparif déclenche le « seuil d’alerte » c’est-à-dire le niveau maximum de mise en garde, pour les particules et le dioxyde d’azote. Ces jours consécutifs de pic de pollution déclenchent de nombreux débats. A quelle hauteur les automobilistes contribuent-ils aux rejets toxiques ? L’industrie et l’agriculture polluent-elles également ? Et quelle est la part de responsabilité du diesel ? Finalement le secteur du bâtiment échappe-t-il trop facilement aux critiques ?
Les mesures prises (les interdictions) en cas de pic de pollution concernent la plupart du temps l’agriculture, l’industrie et la circulation automobile. Mais certains dénoncent une stigmatisation de secteurs en particulier.
La composition normale de l’air est :
Quand la composition normale de l’air est modifiée, en particulier par concentration de substances (solides ou gazeuses) nuisibles à la santé et à notre environnement on dit que l’air est pollué. L’expression souvent retenue est : pollution atmosphérique. La loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE) de 1996 définit la pollution atmosphérique comme étant « l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, dans l’atmosphère et les espaces clos, de substances ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives ». Cette pollution est plus accentuée en ville où se concentrent voitures, camions, deux-roues, chauffage des bâtiments… auxquels se combinent des épisodes météorologiques associant absence de vent et fort ensoleillement.
Quelles substances sont considérées comme nuisibles ?
Plusieurs éléments sont considérés comme des polluants de l’air parce qu’ils n’existent pas naturellement dans l’air ou pas à une telle concentration, et qu’ils sont nocifs pour la santé. Ce sont des gaz, souvent invisibles, comme le monoxyde de carbone (CO), les oxydes d’azote (NOx) et de soufre (SO2) ou encore l’ozone (O3). Il y a aussi des particules solides, plus ou moins fines. Elles donnent leur consistance et leur couleur aux fumées. Ces poussières sont d’origine minérale, métallique ou organique.
D’où viennent les pollutions de l’air ?
Les polluants atmosphériques peuvent être d’origine naturelle (émissions volcaniques, plantes produisant des pollens, foudre…), mais également dus aux activités humaines :
Il n’est pas inutile de rappeler que la définition de la pollution de l’air fait certes référence à la pollution atmosphérique mais aussi à l’émanation de substances en espace clos. Phénomène qui vient aggraver la situation par la libération dans l’air intérieur de composés polluants (produits d’entretien, colles, mobiliers, activités domestiques).
Les influences de la météo sur la qualité de l’air
Les conditions météorologiques ont de nombreuses influences sur la pollution :
En résumé, le gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques ont une source identique : les activités humaines (transports, habitat, industrie, agriculture). Mais contrairement aux gaz à effet de serre, la pollution dans l’air a un effet local direct sur la santé et sur l’environnement. Les principaux polluants qui posent problème en région parisienne sont le dioxyde d’azote, les particules et l’ozone.
Aussi, il est indispensable de limiter la pollution à la source, là où les polluants sont émis. Pour cela, il faut avant tout bien identifier les sources de pollution. Qui pollue ? Quand ? Pourquoi ?
Quelles sont les sources de pollution de l’air ?
Les trois sources majeures de rejets, à la fois pour les polluants atmosphériques et pour les gaz à effet de serre, sont :
Les faits
La pollution de l’air par éléments solides (particules) se mesure par la concentration des particules PM (Particulate Matter) en suspension dans l’air. En fonction de leur taille, leurs impacts sont différents.
Rappelons qu’en termes de dimensions et unitairement, ces particules sont de taille microscopique.
L’augmentation des taux de particules fines dans l’air est facteur de risques sanitaires (maladies cardiovasculaires, altération des fonctions pulmonaires, cancer du poumon et diminution de l’espérance de vie).
Les chiffres
L’association CITEPA, Centre Interprofessionnel Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique, identifie, analyse et diffuse des données et des méthodes sur la pollution atmosphérique, notamment les émissions dans l’air, et le changement climatique. CITEPA a récemment publié un rapport « Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France, séries sectorielles et analyses étendues » et annonce plusieurs chiffres.
Les principaux secteurs émetteurs de PM10 sont :
Les principaux secteurs émetteurs de PM2.5 :
On constate ici que les deux principaux secteurs émetteurs restent (comme pour les PM10) le résidentiel/tertiaire (45%) et l’industrie manufacturière/transformation d’énergie par l’industrie (26%). La combustion de bois pour le chauffage apportant les émissions les plus nocives. On remarque également que 18% des émissions PM2.5 concernent le trafic routier (soit une légère augmentation par rapport aux PM10).
Les industries jouent donc un rôle non négligeable sur les deux tableaux, avec près de 30 % pour les PM10 et près du quart pour les PM2.5.
L’agglomération parisienne est plus durement touchée par le phénomène compte tenu de la densité de ses activités et de l’habitat. La densité des émissions dans l’agglomération par km² est extrêmement élevée, comparée à d’autres régions, mais la quantité émise par habitant est en revanche plutôt plus faible. Ainsi, selon un rapport sur l’origine des polluants en Ile-de-France réalisé par Airparif, l’agence de surveillance de la qualité de l’air dans la région, la part du trafic routier bondit à 25 % des émissions, juste derrière le chauffage du secteur résidentiel et tertiaire (29 %) et devant les chantiers et carrières (20 %) et l’agriculture (14 %).
Toutefois, si l’analyse porte sur un secteur proche du trafic routier comme le boulevard périphérique, mais aussi tous les axes majeurs de circulation, Airparif constate que 51 % des particules, qu’elles soient produites localement, importées de l’agglomération ou des régions et pays voisins, proviennent des transports (voitures individuelles, véhicules utilitaires et poids lourds). Loin devant, donc, le chauffage du secteur résidentiel et l’industrie. Plus que les quantités émises c’est aussi la concentration des particules (mais aussi des autres polluants) qu’il convient de prendre en considération. Aujourd’hui, les agglomérations sont bien confrontées à une concentration élevée de particules dans l’air dû aux transports et en particulier à la « diésélisation » du parc des voitures particulières.
Or, 35 % des Franciliens résident à moins de 200 mètres d’un axe routier important, sur lequel transitent 15 000 véhicules par jour !
Sur le plateau de Saclay, à environ 20 km au sud-ouest de Paris, et loin des axes routiers, une équipe du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) a analysé, durant l’épisode de pollution aux particules fines, qui a sévi en Île-de-France (du 7 au 15 mars dernier), la composition de l’air dans cette zone éloignée du centre de Paris.
L’air prélevé à Saclay contenait autant de particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 microns, que l’air parisien de fond. Toutefois les particules recueillies sont qualifiées de « secondaires » car elles proviennent de la transformation chimique dans l’atmosphère, sous l’effet du rayonnement solaire, de polluants gazeux en particules fines. Ainsi le dioxyde d’azote (résultant de toutes formes de combustion) et le dioxyde soufre (présent dans les produits de la combustion du gazole, du fioul et du charbon) pourront se transformer en particules fines. Jean SCIARE, qui a dirigé l’étude précise :
« Cela signifie, dans un épisode comme celui-ci, que tous les Franciliens ont été touchés par la pollution et pas seulement les habitants du centre de Paris, vivant à proximité d’un axe routier ».
Il existe donc deux origines aux émanations de particules fines, les particules directes, dont les responsables sont clairement identifiés (transports, chauffage au bois en particulier, brûlage des déchets verts) mais aussi les particules secondaires résultant de la transformation chimique de matière à l’état gazeux, où là également on peut identifier comme responsables, les transports, le chauffage des bâtiments et les activités agricoles.
Au final, ce sont donc 2,5 millions de Franciliens qui sont concernés par des dépassements des valeurs limites d’exposition ainsi que la plupart des habitants des agglomérations dans un rayon finalement assez large.
Si à l’échelle globale de la France, le trafic routier n’est pas le premier émetteur de particules fines, les voitures sont bel et bien les premières responsables de la pollution que respirent les habitants dans les agglomérations.
Pour aborder objectivement la question de la pollution atmosphérique il n’était pas possible d’ignorer les effets pervers des bonnes intentions. Par exemple, la lutte contre la production de gaz à effet de serre a des effets contradictoires notoires.
En effet, certaines mesures en faveur de la limitation d’émission de CO2 peuvent se traduire par une augmentation des rejets d’autres polluants atmosphériques, par exemple :
L’utilisation de la biomasse, comme le chauffage au bois individuel, qui augmente les émissions de particules et de certains hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).
Les agrocarburants de 1ère génération, qui conduiraient à plus d’aldéhydes dans l’air, notamment de formaldéhyde, et plus d’ozone.
La volonté d’isoler thermiquement les bâtiments sans une réflexion approfondie et un accompagnement suffisant des maitres d’ouvrage. Par exemple, un poste souvent négligé est celui de la ventilation. Or, une absence de ventilation correcte peut conduire à une dégradation de la qualité de l’air à l’intérieur des immeubles, où nous passons 80% de notre temps.
Le bonus-malus n’est calculé actuellement qu’à partir des émissions de CO2, il favorise donc des véhicules qui peuvent être plus émetteurs de particules et d’oxydes d’azote.
En ville, la qualité de l’air ne s’est au final pas vraiment améliorée. Les émissions de particules sont certes en baisse depuis 1990, date des premières mesures. Cette diminution (de 51%) s’explique par l’arrêt d’industries polluantes comme les mines, par de nouvelles normes dans les transports une amélioration progressive des systèmes de chauffage (notamment pour les poêles à bois).
Mais, dans le même temps, les concentrations de particules sont restées plutôt stables, un parc de véhicules fonctionnant au gazole très élevé, des bâtiments anciens peu performants thermiquement, des systèmes de chauffage à combustion peu ou mal entretenus et vieillissants, une utilisation intensive de produits chimiques dans l’agriculture, etc.
Parmi les solutions pour lutter contre la pollution de l’air, il y a celles que l’on prend dans l’urgence mais il y a aussi celles que l’on prend, ou que l’on devrait prendre, sur le long terme. L’Automobile Club Association (ACA) a dénoncé la stigmatisation de la voiture comme « coupable idéal et unique » des épisodes de pollution urbaine. Elle aussi réclame des mesures de fond plutôt que des mesures « d’affichage » provisoires. Il ne faut pas simplement attendre que le vent dissipe les polluants et que tout redevienne normal. Face à l’urgence, les mesures de gratuité des transports publics, pour quelques jours seulement, de circulation alternée, de diminution de la vitesse de circulation (et l’esprit civique dont ont fait preuve de nombreux automobilistes) sont nécessaires, mais ne répondent pas aux pollutions quotidiennes qui ont lieu, elles, toute l’année.
Tout cela démontre la nécessité de politiques de long terme. Seule une diminution de la consommation des énergies fossiles permettra de progresser car si l’on consomme moins de carburant, de bois, de gaz ou de charbon, avec des besoins réduits et des systèmes performants on émet moins de CO2 mais aussi moins de polluants atmosphériques.
La seule solution consiste à vraiment engager une politique de transition énergétique qui transfère les énergies fortement polluantes et carbonées (pétrole, charbon, fioul et gaz), vers des énergies plus propres tout en amorçant une réduction significative de ces besoins. On pense au transfert du fret routier vers le fret ferroviaire, à la production de véhicules propres à des coûts abordables, à la production d’une énergie électrique non carbonée et non polluante.
Toutefois, parmi les solutions les plus efficaces, dont on parle sans cesse mais qui tarde à produire des effets en raison d’une mise en action très lente, il y a la rénovation énergétique des bâtiments existants. Une façon de réduire les besoins de chauffage et donc de consommer moins d’énergie. En améliorant la performance énergétique globale des bâtiments existants, et en travaillant de manière réfléchie sur un accompagnement réel des maitres d’ouvrage, la consommation d’énergie se réduit amorçant de fait une diminution des émissions de polluants et réduisant leur concentration.
Finalement, nous sommes tous un peu responsables de notre propre asphyxie. Il faut une volonté claire et non dispersée des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs, y compris chacun d’entre nous, pour que l’air que nous respirons à l’intérieur ou l’extérieur de nos bâtiments ne devienne pas irrespirable !
Sources :
Publication de Jean Sciare (LSCE)