Le secteur du bâtiment (la conception d’ouvrages) évolue rapidement depuis quelques années alors que les méthodes de mise en œuvre des matériaux de construction, quant à elles, ont très peu changé.
Mais avec l’arrivée du numérique (Big Data, objets connectés, ou encore l’impression 3D) les process sont sur le point de connaître une transformation majeure tant chez les grands industriels que les artisans. En effet, le numérique va progressivement modifier les façons de travailler et les entreprises devront s’adapter.
Quelles sont ces nouvelles technologies et quelles sont leurs conséquences sur l’entreprise et sur la manière de travailler des salariés ? Le terrain saura-t-il s’adapter à ces nouveaux outils ? Les objets connectés vont-ils devenir incontournables ?
Réelles innovations ou encore à l’état de prototype, ces objets connectés vont révolutionner le travail sur les chantiers. En effet, le monde du bâtiment et de l’industrie sont des secteurs où les taches sont souvent difficiles et répétitives. Grâce à l’apparition progressive sur les chantiers de ces nouveaux outils numériques et connectés, la performance et la qualité de vie au travail devraient s’améliorer.
Plusieurs outils pour sécuriser les intervenants sur un chantier existent (d’ores et déjà utilisés ou encore à l’état de prototype). On note par exemple, le développement de casque intelligent et capable d’assister les compagnons pour augmenter leur efficacité. Ces casques connectés ont bien sûr une vocation première de protection (éclairage, visière), mais aussi d’assistance. Grâce à une caméra et à la réalité augmentée, les gestes (simulation) sont assistés. De plus, ce casque connecté permet l’affichage et le traitement de nombreuses données (plans, identifie un circuit défectueux) et favorise la communication et la coordination des équipes (micro pour communication en temps réel).
Sur le même principe de protection et d’assistance, les gants connectés simplifient le geste, peuvent directement scanner les pièces (ce qui évitent les actions supplémentaires) et préviennent les manipulations inutiles (vibrations en cas de mauvais outil choisi).
Face à ces changements et toujours dans cette optique de mieux prendre en compte le salarié, les entreprises doivent changer leurs politiques de ressources humaines (formation et management). Désormais, les outils numériques sont devenus des supports d’évaluation et de formation. Des plateformes numériques de formation voient le jour tels que les réseaux sociaux d’entreprises, les MOOC, les forums et le e-learning. Ils donnent aux collaborateurs les moyens de se former avec plus d’interactivité et une meilleure diffusion de l’information. Les vidéos immersives vont encore plus loin en leur permettant d’échanger avec un expert pendant une opération délicate. Enfin, des objets connectés faciliteront aussi l’évaluation des conditions de travail. Un capteur, encore à l’état de prototype, placé sur l’employé pourra récolter des données fiables sur son exposition au bruit, aux températures élevées ou à des pressions difficiles. Ces données alimenteront ensuite avec exactitude un compte pénibilité personnalisé. Tous ces objets sont donc un vrai progrès dans les domaines de la sécurité et de la protection travailleurs.
Concernant les artisans, le temps effectif moyen sur chantier ne représenterait que 30 % du temps de travail. Le reste est consacré à la coordination et à la préparation des tâches (camions, entretien et gestion du matériel). Ainsi ces manipulations peuvent être facilitées grâce à la « connectivité »
Plusieurs outils numériques aident l’exécution du travail, augmentent la rapidité des actions et permettent des gains de productivité. Des logiciels pour tablette existent ou sont en cours de développement pour générer des maquettes 3D et des métrés relativement précis. Le principe est de filmer ou « balayer » la pièce d’habitation pour récolter le nuage de points. Une fois transféré sur un ordinateur, un plan 2D ou sa modélisation en 3D est généré. Cette technologie permet un gain de temps substantiel dans les relevés, favorise la dématérialisation et évite les erreurs/oublis entre toutes les parties prenantes. Autre évolution envisagée : l’introduction de la réalité augmentée pour importer des objets (positionner virtuellement un meuble etc.)
Sur le même principe, le scan laser 3D permet numériser une pièce dans une vue 360° (un seul nuage de point). Le nuage de point est intégré dans un logiciel de maquette numérique afin de positionner les nouveaux équipements en 3D. Cette technique est notamment utilisée pour faciliter la mise en place ou le remplacement d’équipements en prenant en compte plusieurs facteurs (dimensions, branchements etc). Cela permet également d’avoir une meilleure lisibilité des plans pour tous les intervenants, un suivi et une gestion optimisée (les nuages de point sont conservés ainsi que les principales caractéristiques des nouveaux équipements).
Cette technologie 3D est également utilisée sur différents supports :
– L’imprimante 3D pour le béton constitue l’élément le plus spectaculaire. Elle permet d’imprimer des formes complexes. Sa complémentarité avec le BIM permettra d’ici quelques années d’anticiper l’ensemble des étapes pour réaliser un bâtiment sur mesure.
– Les drones séduisent de plus en plus les maitres d’ouvrage et sont déjà démocratisés sur les chantiers. Ils permettent de suivre l’évolution de la construction globale, de réaliser des topographies, des missions de surveillance et d’inspection, des diagnostics et de la reconnaissance automatique d’image. Couplé aux scanners laser 3D, ils peuvent numériser l’existant et utiliser le nuage de point pour réaliser une maquette numérique. Grâce au faisceau laser, ils indiquent aussi les points pour l’emplacement exact de réseau de gaines.
– Enfin, les applications mobiles sur tablette se multiplient pour accélérer les levées de réserves. Le logiciel reconnait automatiquement les objets récurrents (prises, interrupteurs, luminaires, serrures etc.), Les données ainsi collectées permettent de mener des analyses prédictives afin de réduire la sinistralité sur les prochains chantiers et de gagner du temps sur des opérations répétitives. Le traitement d’énormes quantités de données sur les tablettes, permet également d’identifier des problèmes de façon préventive.
La technologie Bluetooth gagne en développement et intégration sur les outils de chantier. En effet, la communication Bluetooth permet d’optimiser l’entretien et la gestion du matériel (temps d’utilisation, chargement, géolocalisation des outils, réglages mémorisés pour futurs travaux). Il existe des armoires à outils facilitant l’organisation des stocks (éviter pertes et vols). L’idée majeure de ces objets connectés est de faire gagner en productivité, en temps et en efficacité les salariés.
Des applications plus globales de gestion de chantier tentent aussi d’optimiser les tâches répétitives, d’améliorer la coordination, d’anticiper et de réduire les délais d’opération. Il est désormais possible de retrouver sur son smartphone les plans d’un chantier (téléchargés et traités de façon automatique), de les mettre à jour, d’ajouter des commentaires, de notifier des tâches tout en communiquant avec l’ensemble des intervenants. Ces applications facilitent le travail sur les chantiers, améliorent la coordination des tâches, et permettent d’anticiper des défauts ou problèmes (informations remontées et stockées dans un dossier pour l’ensemble des intervenants).
Véritable innovation, les robots et exosquelettes font désormais partie du paysage du bâtiment. Ces machines, conçues pour assister les compagnons dans leur tâche, leur permet aussi de décupler leur force et de simplifier les tâches difficiles. Les plus connus restent les robots. Désormais, ils sont capables, une fois les informations de l’environnement enregistrées à l’aide d’une carte 3D, de se déplacer tout seul et sans encombre sur le chantier. Les exosquelettes quant à eux peuvent par exemple transporter des charges ou déposer des revêtements à l’aide d’un râteau assisté par un bras mécanique.
Les capteurs connectés dans le béton ne sont pas encore très répandus mais certains sont déjà en action. Ils permettent d’évaluer les caractéristiques du béton en temps réel (température, temps écoulé depuis la fabrication, …). Certains s’installent directement sur les armatures avant le coulage et transmettent les informations via Bluetooth et d’autres, sous forme de puce, sont noyés dans le matériau et conservent leurs données pendant toute la durée de vie de l’ouvrage (les puces restent en sommeil tant qu’elles ne sont pas activées). Les produits en béton sont en passe d’évoluer du statut passif au statut d’objets dotés de propriétés communicantes puisqu’il est possible d’analyser le cycle de vie du matériau sur toute la durée de vie du bâtiment. Surtout testés sur des chantiers expérimentaux, ces outils connectés permettent véritablement d’améliorer la sécurité, de gagner en productivité et d’anticiper l’avenir.
Les entrepreneurs de la construction, et leurs fournisseurs sont tous conscients de l’ampleur du défi qui les attend en matière de digitalisation et de numérique mais les artisans restent encore frileux à se lancer dans les objets connectés.
En effet, diverses études montrent que le virage du numérique n’est pas abordé de la même façon en fonction de la taille de l’entreprise. Selon les résultats d’un sondage réalisé par le CESI (en partenariat avec IPSOS et Le Figaro) publié le 9 Mai 2016, près des ¾ des TPE françaises (1 à 9 salariés) estiment que la transition numérique n’est ni un sujet stratégique, ni essentiel pour leur structure. Cela s’explique notamment par les coûts encore souvent prohibitifs de ces nouvelles technologies et des capacités d’investissement trop souvent limitées des artisans. De plus, ces objets connectés étant présents sur les chantiers de taille importante, le manque de connaissance et de formation reste un frein. La formation est donc un enjeu majeur. Malgré la connaissance des bénéfices apportés par les nouveaux outils (notamment sur l’amélioration des conditions de travail), les artisans sont plutôt inquiets des conséquences possibles de cette transition numérique sur les effectifs.
Il pourrait pourtant être important de connecter les chantiers et à terme d’également maîtriser leur empreinte environnementale. La diffusion sur les chantiers des outils numériques et des objets connectés semble inexorable et ils prouvent de plus en plus leur pertinence et leur utilité (enjeu de rentabilité). Enfin, les outils numériques aidant la transition énergétique, il sera d’autant plus facile pour l’entreprise de recueillir les données pour mesurer son empreinte écologique sur le chantier (plateforme de centralisation des données en temps réel, pilotage des consommations d’énergie, mesure de CO2émis, informations sur la production de déchets etc.) ce qui facilitera la mobilisation des équipes et la communication auprès des clients.
Sources :