L’IA au service d’un bâtiment responsable et intelligent ?

L’intelligence artificielle (IA) effraie, interroge et fascine. Dans un sondage IFOP du mois d’octobre 2017, 64% des français exprimaient une inquiétude face au développement de l’IA. Sa méconnaissance ainsi que celle de ses applications sont à l’origine de nombreux fantasmes. Les craintes augmentent dès lors que la question de la gestion des données (data) se pose. Or plusieurs travaux présentent l’IA comme un élément majeur de la transformation du bâtiment dans une perspective de développement durable. Et il se pourrait bien que l’IA soit un facilitateur des transitions environnementale et énergétique du bâtiment en contribuant à l’émergence de bâtiments responsables et intelligents pour le confort et le bien-être des occupants.

Outre les champs d’application les plus répandus c’est-à-dire ceux recourant aux fonctions cognitives les plus élevées comme la traduction ou la reconnaissance vocale, certaines applications de l’IA s’étendent désormais à des domaines plus pratiques comme celui du bâtiment.

Les acteurs de la construction impliqués dans la transition énergétique pourraient appréhender l’IA comme un élément structurant du bâtiment rendu comme une plateforme de services facilitant la mutualisation des différents systèmes techniques à l’échelle de l’îlot, du quartier et de la ville.

Le rapport Villani propose une définition de l’IA et indique qu’elle « désigne moins un champ de recherches bien défini qu’un programme, fondé autour d’un objectif ambitieux : comprendre comment fonctionne la cognition humaine et la reproduire ; créer des processus cognitifs comparables à ceux de l’être humain. »

Transition vers un bâtiment responsable

En matière énergétique, l’apport des technologies de l’information et de la communication (TIC) est incontestable. Les TIC contribuent à une « exploitation rationalisée et performantes du bâtiment et de ses divers systèmes techniques » [1] (gestion technique du bâtiment, sécurité incendie, protection, etc.). Pour ces services rendus, l’IA joue un rôle important en facilitant le traitement des données recueillies par les objets connectés. Mais aussi via l’ouverture au deep learning (procédé qui permet aux machines d’apprendre par elles-mêmes sans avoir explicitement été programmées à cet effet).

En termes de consommation énergétique et d’occupation, les TIC permettent de recueillir des informations dans un bâtiment en cours d’exploitation, de les transmettre, les stocker, les traiter et les rapprocher d’autres données, de développer un service de suivi des consommations énergétiques, d’automatiser certaines tâches, gérer les incidents, optimiser la gestion dynamique des accès et des équipements liés à la mobilité interne (ascenseurs, …).

Pour certaines fonctions, l’objectif est l’autonomie avec pour résultats une baisse de la consommation et des coûts énergétiques, notamment.

Les objets et les équipements connectés se sont multipliés dans le logement. Ils sont connectés via internet et accessibles depuis un smartphone ou une tablette. Certains de ces objets doivent leur existence aux développements récents de l’intelligence artificielle. Dans la plupart des cas, ces objets n’interagissent pas entre eux. En envisageant le bâtiment comme une plateforme de services, les TIC deviennent des incitateurs à un mode de vie plus « responsable et plus conscient des implications environnementales »[1]. Leur regroupement sur une plateforme permet une interopérabilité pour faire le lien entre tous les services et les technologies mises à disposition pour l’occupant.

« Une chose est sûre, [l’apport de l’intelligence artificielle] sera plus puissant qu’on ne le pensait. Les possibilités ouvertes sont immenses : nous basculons sur une logique de plateforme de services, au niveau du bâtiment, du quartier, puis de la ville. » Alain Maugard, co-pilote du groupe de travail RBR 2020-2050 du Plan Bâtiment Durable [2]

L’internet des objets (IOT) offre de nouveaux moyens de réguler l’énergie à l’intérieur d’un bâtiment, qu’il soit résidentiel ou tertiaire, donc de générer des économies. La notion de bâtiment responsable doit inclure une « dimension environnementale au sens strict (sobriété énergétique, diminution de l’empreinte carbone) mais aussi une dimension sociétale. »[2]

Pour tendre réellement vers un bâtiment responsable, le développement de l’IA doit prendre en compte la performance énergétique, encourager les économies d’énergie, l’évolution des modes de consommation et les mentalités, sans occulter le bien-être des occupants. La connectivité ouvre une multitude de champs d’application.

Révolution numérique pour un bâtiment intelligent

Grâce à l’intégration et l’exploitation des données, l’IA permet la compréhension des usages des occupants d’un bâtiment, leur anticipation, la proposition de nouveaux réglages. Ce comportement intelligent du bâtiment est rendu possible par sa connectivité qui en fait une plateforme de services.

Le traitement des données extérieures (météorologie, énergie, etc.), des données liées au bâtiment et contenues dans la maquette numérique (BIM), l’analyse des caractéristiques de l’enveloppe (conductivité, inertie des matériaux), des spécificités des équipements (chauffage, ventilation), des informations relevant du comportement et des usages de l’occupant, permettent de régler les systèmes pour optimiser le confort souhaité.

« Avec l’intelligence artificielle, le bâtiment gagne un cerveau. Ce cerveau acquiert une compréhension des usages, peut les anticiper, proposer de nouveaux réglages, en intégrant de nombreuses données, ce qui ne serait pas possible à l’occupant et/ou gestionnaire. Le bâtiment se comporte de façon plus dynamique vis-à-vis de ses occupants. »[2]

Les services existants évolueront, de nouveaux émergeront et modifieront nos manières d’habiter, de travailler, de vivre en ville ou dans les territoires. L’IA traitera les données collectées pour optimiser les services recherchés afin de répondre aux attentes des occupants. Le bâtiment de demain doit être prêt à servir de plateforme ou support à cette offre de services de façon ouverte, autrement dit être « prêt à être équipé »[2].

L’IA est entrée dans une nouvelle ère et suscite beaucoup d’espoir grâce au deep learning. Pour le secteur du bâtiment, il s’agit de veiller à ce que l’IA développée soit la plus économe en énergie et en ressources. La plus grande peur réside dans l’idée d’une IA autonome qui puisse prendre des décisions de manière indépendante et proactive.

Les points de vigilance résident dans la gestion et le contrôle des données. Carburant d’un outil profondément disruptif pour les acteurs du secteur du bâtiment, les données demeurent la source d’atteintes au respect de la confidentialité et de la vie privée. Ces données collectées qui alimentent la plateforme de services doivent rester privées.

« La grande question, c’est : le cerveau va-t-il rester à l’intérieur du bâtiment, ou du moins à l’échelle du territoire, ou être à l’extérieur, sous contrôle des GAFA ? » [2]

Pour transformer la défiance en confiance envers l’IA, l’occupant doit avoir la liberté de se déconnecter pour reprendre la main et suspendre les automatismes. Il doit conserver la maîtrise de l’utilisation de ses données, avoir le sentiment de garder le contrôle face aux surpuissants algorithmes et préserver son autonomie. Il doit être possible à l’occupant d’ouvrir les boîtes noires et de disposer d’interface intelligibles.

3 stades clés de l’évolution de l’IA :

Stade 1 : les systèmes experts renvoient à l’élaboration d’algorithmes permettant de résoudre un problème particulier. Ils trouvent des applications très sophistiquées dans la domotique.

Stade 2 : le machine learning ou l’apprentissage machine. Dans le domaine de la domotique, l’IA, par le biais d’applications, proposent des réglages basés sur les données recueillies et des scénarios.

Stade 3 : le deep learning ou l’apprentissage profond, voire automatique de la machine, est rendu possible par de nouveaux algorithmes, la multiplication des jeux de données et le décuplement des puissances de calcul avec des performances hautement supérieures à l’apprentissage profond et un taux d’erreur très faible.

Le bâtiment responsable, intelligent doit se muer en « être familier avec qui on dialogue à partir de son smartphone, un être capable de reconnaître [n]otre visage, [n]os mouvements, et qui apporte son intelligence pour plus de confort, de sécurité et de services, dans une perspective de développement durable. »[2]