En 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait le bruit en deuxième place des causes environnementales nocives, derrière la pollution atmosphérique. Comment la pollution sonore présente-t-elle un risque réel pour notre santé, notamment dans les grandes villes ?
Si certains bruits impactent directement l’audition, d’autres sons du quotidien nuisent au bien-être et à la santé de la population. Le son est produit par une variation de la pression de l’air. Physiquement, un bruit se compose d’un ensemble de sons. Physiologiquement, un bruit est le plus souvent associé à une gêne.
Selon Bruitparif, le bruit est un « son qui produit une sensation auditive considérée comme désagréable, gênante ou dangereuse pour la santé. Chaque personne possède sa propre perception du bruit qui dépend de composants multiples liés au contexte, à l’histoire personnelle et culturelle ». Le son est le produit d’une vibration acoustique caractérisée par son intensité (de faible à fort, exprimée en décibels et quantifiant le niveau de pression), sa fréquence (mesurée en hertz) ayant une incidence sur la tonalité (grave ou aiguë) et sa durée.
Une exposition prolongée à des niveaux de bruit intenses (musique, concerts) détruisent progressivement les cellules ciliées de l’oreille interne et conduit à une surdité irréversible car ces cellules ne se régénèrent pas. Il est d’ailleurs estimé que des troubles auditifs peuvent être observés suite à une exposition de plusieurs années à un niveau de 85 dB. Mais au-delà de ces effets constatés sur l’audition, c’est aussi le développement d’autres nuisances sonores qui affectent notre bien-être comme notre santé.
En effet, les populations, qui se concentrent de plus en plus dans les villes et notamment dans les grandes agglomérations sont davantage exposées. Selon l’ADEME, 43 % des Français disent être gênés par le bruit et en Île-de-France. Le bruit représente la première source de nuisance selon la population. Les activités, les transports, mais aussi la proximité et la mauvaise isolation acoustique des logements contribuent à ce désagrément.
Mal mesuré et longtemps désigné comme une nuisance plus qu’une pollution pouvant affecter clairement la santé, le bruit et ses incidences commencent enfin à être estimés.
De plus en plus d’études montrent que le bruit créé de nombreux autres effets physiologiques. Une étude datant de Février 2019 [1] menée par l’Observatoire du bruit (Bruitparif) montre que, rapportées à l’individu, la pollution sonore fait perdre en moyenne 10,7 mois de vie en bonne santé (du fait du bruit cumulé des transports par individu au cours
d’une vie entière, au sein de la zone dense francilienne). Cette étude s’est basée sur l’indicateur de l’OMS, DALY – Disability-Adjusted Life Years), qui permet de quantifier les années de vie en bonne santé perdues suite aux pathologies entraînées par la pollution sonore). En cause, le trafic routier : 85% des franciliens sont exposés à des nuisances sonores supérieures à 53 dB(A), seuil limite pour éviter les conséquences sanitaires. Cette gêne ressentie perturbe le quotidien (trouble du sommeil) et peut avoir des conséquences importantes, notamment une fatigue, une baisse de la vigilance, etc.
De plus, selon une étude publiée dans la revue European Heart Journal en juin 2015, le bruit pourrait aussi avoir des effets sur le système cardio-vasculaire. A court terme, il peut augmenter la tension artérielle et temporairement le rythme cardiaque car le bruit engendre la sécrétion d’hormones de stress (le cortisol par exemple), favorisant un peu plus à l’hypertension et autres troubles cardiovasculaires.
Une exposition permanente au bruit affecte donc les fonctions physiologiques de l’individu. De plus, la population des grandes agglomérations est le plus souvent exposée à différentes sources de bruit (circulation routière, voisinage, trafic aérien…) et les effets de ces multiples expositions sont encore méconnus.
L’étude de Bruitparif démontre également « la morbidité liée au bruit environnemental au sein de l’agglomération parisienne. L’impact sanitaire estimé montre l’importance de ce problème de santé publique avec de l’ordre de 66 000 années de vie en bonne santé perdues ». Ce résultat s’obtient à partir des données fournies par les études épidémiologiques sur les impacts sanitaires des nuisances sonores croisées avec les cartes d’exposition au bruit.
Eu Europe, l’OMS indique dans son rapport nommé « La charge de morbidité imputable au bruit ambiant. Quantification du nombre d’années de vie en bonne santé perdues en Europe » que 800 000 années de vie seraient gâchées en Europe. [2]
Ces études démontrent l’importance des actions réglementaires et de prévention au bruit.
La Directive européenne 2002/49/CE
La directive européenne 2002/49/CE du 25 juin 2002 définit les bases communautaires de la lutte contre le bruit dans l’environnement. Elle impose la réalisation de cartes stratégiques du bruit au sein des agglomérations de plus de 250.000 habitants et le long des grandes infrastructures de transport et des plans d’actions. Mais aussi de permettre une évaluation harmonisée, dans les Etats européens, de l’exposition au bruit dans l’environnement et d’informer le public et le faire prendre part au processus de décision.
Le Plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE)
La directive européenne 2002/49/CE et sa transposition en droit français imposent aux autorités compétentes la réalisation de plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE). Ils permettent de définir les actions locales à mettre en œuvre afin de prévenir et réduire, si nécessaire, le bruit dans l’environnement et de protéger les « zones calmes ».
Les cartes stratégiques de bruit
Elles sont imposées par la Directive européenne 2002/49/CE représentent l’impact du bruit sur un territoire pour une période définie. Ce sont des documents d’information qui ont vocation à être révisées au minimum tous les 5 ans.
Le diagnostic acoustique territorialisé
Son objectif est de faire ressortir et croiser les informations des cartes de bruit réalisées avec des informations territoriales existantes et fines (localisation des établissements sensibles, densité de population, …) ainsi qu’avec des problématiques locales (localisation des plaintes, …) afin de faire émerger les zones à enjeux et les hiérarchiser de façon objective. Le « diagnostic acoustique territorialisé » est un outil d’aide à la décision.
Au-delà des bruits générés par les infrastructures (transports, industrie), les bruits générés par la vie quotidienne constituent une grande source d’inconfort dans les bâtiments. L’incidence des parois opaques (murs, cloisons) et des parois est très significative dans la perception du confort intérieur.
Si des réglementations existent en matière de constructions de bâtiments neufs et de bâtiments exposés à des bruits d’infrastructures [3] , il subsiste des millions de logements existants mal adaptés et faiblement isolés d’un point de vue acoustique. Les bruits d’impacts, les bruits aériens transmis d’un logement à un autre et les bruits liés aux équipements constituent aujourd’hui un véritable problème (les appareils électroménagers ; les équipements du bâtiment, à savoir :les équipements sanitaires (robinet, chasse, douche ou baignoire), les installations de chauffage, les équipements de ventilation, les ascenseurs, etc). Il existe toutefois des traitements acoustiques, consultez à ce sujet l’état des lieux concernant les méthodes d’évaluation et la quantification de l’impact sanitaire des nuisances sonores réalisé par les Ministères chargés de la santé et de l’environnement qui ont saisi l’Afsset en 2003 (Effets biologiques et sanitaires du bruit, comment lutter contre le bruit ?).
Ainsi, le bruit étant un véritable enjeu de santé publique des actions doivent être mises en place comme par exemple, le plan de prévention du bruit de la Mairie de Paris qui comprend 34 mesures comme une campagne de mesure des émissions sonores des deux-roues motorisés ; le renouvellement de la chaussée du périphérique avec une nouvelle couverture acoustique ; une réduction de la vitesse de circulation et des mesures de soutien aux mobilités douces moins polluantes et plus silencieuses. Enfin, toutes les opérations de rénovation énergétique et les grands chantiers d’aménagement devront intégrer une dimension acoustique. A plus petite échelle, des précautions et solutions techniques peuvent être mises en place comme une isolation de la façade, murs, planchers ; l’installation de fenêtres double-vitrage asymétrique, l’entretien de la ventilation, etc.
[1] Etude « Impacts sanitaires du bruit des transports au sein de l’agglomération parisienne », BruitParif, Février 2019, p.6
[2] Article « Le bruit est un problème de santé publique », Décembre 2014, site Goodplanet Info
[3] Décret n° 95-21 du 9 janvier 1995 relatif au classement des infrastructures de transport terrestre et modifiant le code de l’urbanisme et le code de la construction et de l’habitation.Arrêté du 30 mai 1996 relatif aux modalités de classement des infrastructures de transport terrestre et à l’isolement acoustique des bâtiments d’habitation dans les secteurs affectés par le bruit. Décret n°2006-361 du 24 mars 2006 relatif à l’établissement des cartes de bruit et des plans de prévention du bruit dans l’environnement, et modifiant le code de l’urbanisme. L’Arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustique des bâtiments d’habitation (transposition française des indices acoustiques européens). L’Arrêté du 30 juin 1999 relatif aux modalités d’application de la réglementation acoustique. L‘article 14 de la loi n°92-1444 du 31 décembre 1992 relative à la lutte contre le bruit (codifié à l’article L 111-11-1 du code de la construction et de l’habitation). Le Label Qualitel confort acoustique.
Autres sources :
- Plaquette « Isoler son logement son logement du bruit : pour un meilleur confort acoustique », Décembre 2018, ADEME
- Article « Le bruit : causes et conséquences », Janvier 2014, site Notre Planete Info
- Article « Le bruit dans l’agglomération parisienne fait perdre au moins 7 mois de vie en bonne santé », Septembre 2015, site Notre Planete Info
- Article « Comment le bruit ruine notre santé », Septembre 2015, site Le Figaro
- Article « Paris part en guerre contre le bruit », Mars 2015, site Le Monde