Deux études parues le mercredi 17 octobre dressent un constat intéressant sur la trajectoire que prend le secteur du bâtiment en matière de décarbonation et de rénovation.
Une étude réalisée par l’Ademe vient proposer une photographie des travaux de rénovation, notamment énergétique, réalisés entre 2014 et 2016 dans les maisons individuelles (parcs privé et public). Plusieurs enseignements peuvent en être tirés.
Améliorer son confort est le principal motif de réalisation des travaux
- Le passage à l’action est motivé et déclenché par plusieurs facteurs. En revanche, c’est bien l’amélioration du confort (au sens large du terme) qui représente de loin la première motivation pour les ménages : « Elle est en effet citée par 8 ménages sur 10, suivie par la réduction de la facture énergétique, qui est un élément motivant les travaux pour 50% des Français ». L’Ademe conseille donc à ce sujet : « les pouvoirs publics ont déjà dans leur ligne de mire l’objectif d’embarquer la performance énergétique dans les travaux d’entretien et de réaménagement du logement (et donc de s’associer à des acteurs comme les magasins de bricolage ou les agents immobiliers), il semble ainsi tout aussi indispensable de travailler avec de nouveaux acteurs, tels les assureurs ou les artisans spécialisés dans le dépannage ».
L’accompagnement des ménages n’est pas à la hauteur des besoins exprimés
- Les ménages estiment avoir manqué d’accompagnement et d’information en règle générale. L’étude TREMI met d’ailleurs en exergue l’importance du « bouche à oreille ». Si les démarchages commerciaux au sens large font leurs preuves, rien n’est plus efficace qu’un retour d’expérience positif de l’entourage pour inciter à rénover.
- D’un point de vue technique, les ménages ont le réflexe de commencer par l’isolation mais oublient la ventilation. Le podium des travaux effectués concerne le changement des fenêtres et l’isolation de la toiture et des murs. Mais l’enquête TREMI met également en évidence le manque de prise en considération de la ventilation et de la qualité de l’air intérieur, poste clef ayant un impact sur le confort mais aussi sur la santé des occupants (Sur le même thème, consultez notre article « Ventilation : le point sur la qualité de l’air intérieur« ).
La satisfaction des ménages est au rendez-vous : les rénovations répondent à leurs motivations
- L’enquête TREMI se veut globalement positive concernant la perception des ménages « après travaux » : « 83 % des ménages ayant réalisé des rénovations estiment qu’ils ont amélioré le confort thermique de leur logement et 61 % observent des réductions des dépenses énergétiques dès la fin des travaux. Ces valeurs montent respectivement à 94 % et 74 % pour les 260 000 ménages ayant réalisé des rénovations permettant 2 sauts de classe énergétique ou plus ».
L’enjeu n’est pas tant dans la massification des travaux que dans l’embarquement de la performance énergétique
- Un certain nombre de français ont rénové leur logement sur la période de l’enquête (2014-2016) : plus de 5 millions de maisons individuelles – soit 1/3 du parc total – et ont généré près de 60 milliards d’Euros de chiffres d’affaires.
L’ensemble de ces observations et notamment celles sur le fait que 75% des travaux de rénovation en maisons individuelles n’ont pas permis à ces logements de changer de classe DPE confirment pour l’Ademe « que le chemin qu’il reste à parcourir est très important pour parvenir à un parc de logements au niveau BBC à l’horizon 2050 (…). Sur ce vivier considérable de logements [le vrai challenge est d’intégrer plus fortement] la composante énergétique dans les travaux effectués, en commençant par les prioriser et les réaliser dans le bon ordre ».
C’est d’ailleurs le constat énoncé par la dernière étude en date de l’IDDRI « Évaluation de l’état d’avancement de la transition bas-carbone en France ». Elle vise à dresser un premier bilan et à identifier des enjeux stratégiques prioritaires pour la décarbonation de quatre secteurs : énergie, bâtiments, transports, agriculture.
Le bilan général montre que le secteur du bâtiment affiche le plus important retard vis-à-vis des objectifs fixés. En effet, il dépasse de 22% son « budget carbone » en 2017 ce qui met en lumière une urgence particulière à accélérer les rénovations énergétiques, premier levier de décarbonation du secteur. Pour ce faire, l’IDDRI identifie plusieurs postes notamment :
- L’importance de créer un observatoire national de la rénovation énergétique afin de centraliser et mettre à disposition un certain nombre de données permettant de suivre l‘évolution du nombre de logements rénovés ainsi que leur niveau de performance énergétique atteint. Ces indicateurs sont indispensables au suivi de l’atteinte des objectifs nationaux et pour permettre une évolution des politiques engagées.
- L’appréciation de la dynamique de rénovation des logements en termes de rythme (nombre de rénovations annuelles), d’ampleur (profondeur des travaux en matière de gain de performance) et de qualité (structuration d’une offre globale de rénovation à des prix compétitifs) doit répondre au défi majeur de « massifier » la rénovation énergétique en généralisant les rénovations réellement performantes atteignant ou s’approchant du niveau BBC.
- L’évolution des dispositifs d’aide qui, aujourd’hui, ne vise pas à favoriser les rénovations performantes car, hormis le programme Habiter Mieux, aucun n’inclut de diagnostic de performance avant et après travaux ainsi qu’un seuil minimal d’efficacité énergétique à respecter. Il est important de revoir les dispositifs en les simplifiant et d’établir une vraie vision stratégique par la mise en place d’une feuille de route cohérente et crédible, détaillant la transformation des dispositifs au cours des 5 à 10 prochaines années. Cette stratégie par étape, progressive, pourrait laisser à tous les acteurs le temps d’anticipation et d’apprentissage nécessaire
- S’interroger de manière stratégique sur l’impact des rénovations énergétiques globales ou élément par élément.
- La mise en place de scénarios alternatifs visant à évaluer les marges de manœuvre en cas de non atteinte des objectifs sur la demande d’énergie dans le bâtiment.
Sources :