Les chantiers en France, c’est chaque année près de 260 millions de tonnes de déchets : 40 millions pour le secteur du bâtiment, le reste pour les travaux publics.
Pour ce qui est du bâtiment, les déchets proviennent essentiellement de la démolition. A propos, la directive cadre[1] pour le traitement des déchets de l’UE, en application depuis décembre 2008, fixe un objectif de recyclage et valorisation de 70% d’ici 2020[2] et ce uniquement pour les déchets dits inertes et non dangereux.
Pourtant, moins de 50% des déchets du bâtiment seulement sont revalorisés[3]. Le ministère de la Transition écologique et solidaire l’affirme : « Cela ne suffit pas »[4].
Quels progrès peut-on constater aujourd’hui et quels axes d’innovations sont à privilégier pour mieux les valoriser ?
L’essentiel des déchets dans le bâtiment provient de la démolition (65%), bien devant la réhabilitation et le neuf (respectivement 28% et 7% ). Chaque maître d’ouvrage est donc responsable de la gestion des déchets qu’il produit.
Selon la disposition et les contraintes du chantier, celui-ci sera amené à effectuer un tri de ses déchets, ou bien sur place ou bien dans un centre de tri, pour que les déchets soient ensuite acheminés vers des centres de traitement appropriés. Par ailleurs, l’entreprise de construction doit s’assurer de la traçabilité des déchets et être en mesure de prouver que les déchets ont été éliminés conformément à la réglementation.
Le tri des déchets ne constitue pas une obligation réglementaire mais est fortement encouragé pour ne pas entraîner de surcoûts. Par conséquent, le tri de ces déchets est essentiel pour les valoriser au maximum dans leur seconde vie.
Les méthodes de traitement des déchets les plus élémentaires sont l’incinération ou l’enfouissement. D’abord, ces solutions ne sont pas viables pour tous les déchets ni à long terme ni d’un point de vue environnemental. Ensuite, la question de l’espace nécessaire devient prépondérante compte tenu des millions de tonnes de déchets générés chaque année. Dès lors, la question de la revalorisation des déchets permet d’introduire la notion d’économie circulaire.
Le système économique traditionnel est un modèle linéaire, comme le présente l’illustration ci-dessous. Les ressources naturelles sont exploitées pour un besoin unique. Une fois que le produit arrive au bout de sa période d’utilisation, il rejoint les déchets dans un site d’enfouissement. Ce schéma économique fonctionne en posant l’hypothèse que les ressources naturelles employées sont infinies.
Or, elles ne le sont pas, d’où l’intérêt de repenser l’approche actuelle vers une économie dite circulaire. En revalorisant le plus de déchets possible, l’apport des ressources naturelles est donc réduit.
Tout d’abord, la gestion du transport et des volumes de stockage requis incite à revaloriser les déchets issus de chantiers bâtiment et travaux publics. Cela concerne autant les déchets inertes et non dangereux que les déchets dangereux.
Par ailleurs, les déchets inertes issus de chantiers du BTP peuvent être recyclés de différentes manières. Principalement concassés et correctement triés, les déchets inertes tels que la pierre, terre, béton, gravats etc… peuvent être utilisés en remblaiement de carrières notamment, comme le montre la coupe de principe du remblaiement.
De même, ces matériaux inertes peuvent constituer une alternative aux matériaux naturels, entre autres, lors de leur utilisation en remblais routiers. Quel que soit l’usage visé, la qualité des matériaux recyclés doit être bonne pour éviter toute pathologie ultérieure liée au processus de recyclage (c’est-à-dire triés, homogènes et caractéristiques similaires à des granulats non recyclés). Si les déchets inertes ne sont pas recyclés comme granulats ou utilisés dans les remblaiements de carrière, ils sont alors stockés dans des installations de stockage de déchets inertes (ISDI).
Pourtant, des freins à cette revalorisation des déchets de chantier ne permettent pas encore d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2020 (70% des déchets inertes et non dangereux recyclés). En cause, le faible développement d’installations de collecte de proximité, selon Didier Michel, dirigeant du groupe Michel évoluant dans le secteur de la démolition, désamiantage, constructions neuves, réhabilitations, gestion et valorisation des déchets etc.
Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes, la difficulté majeure étant liée à la spécificité des métiers et à leur régionalisation, car selon les cas, ce ne sont pas les mêmes acteurs qui interviennent sur le même lot. De plus, la nature des matériaux peut changer selon les terroirs et les typologies de bâtiments (c’est particulièrement le cas pour les matériaux du bâti/enveloppe).
Il est donc difficile de trouver une solution globale à instaurer sur toute la France. Bien que représentant une forte contrainte pour cette filière, le négoce, à condition que des projets d’innovation structurés puissent être montés sur ce thème, pourrait jouer un rôle clé dans la relation avec les artisans et les TPE du bâtiment. Ainsi, il aurait une visibilité forte d’acteurs participant à l’innovation en jouant un rôle dans l’économie circulaire territorialisée.
De plus, ce renforcement du maillage doit permettre de renforcer la lutte contre les décharges sauvages, c’est-à-dire illégales, améliorer la traçabilité des déchets et la qualité des matériaux recyclés[10].
Lauréat de l’appel à projet de R&D « Déchets du BTP » de l’Ademe en 2012, impliquant trois années de travail et de recherches, Bazed a pour vocation de créer les connaissances et les outils pour la maîtrise des bonnes pratiques de conception pour une économie des déchets et une meilleure gestion des ressources à toutes les étapes du cycle de vie des bâtiments. A travers ce projet, qui a une vocation nationale, il est initié une dynamique concertée de la chaîne d’acteurs (Maîtrise d’Ouvrage + Acteurs de la conception + Maîtrise d’œuvre + Certificateurs + Industriels) vers la prévention des déchets et non plus seulement vers le traitement des déchets produits.
Le projet propose des solutions techniques pour tout type de travaux liés à l’environnement immédiat, la structure, l’enveloppe, les aménagements intérieurs et les équipements techniques. Comme le montre l’image suivante, chaque solution s’articule selon les thématiques suivantes : Conservation de l’existant, la Démontabilité, l’Evolutivité, la Réutilisation et l’Entretien-Maintenance.
Le site BAZED recense des chantiers exemplaires mettant en avant leur conception, gestion et prévention des déchets, réutilisation de matériaux, conservation de structures existantes etc…
L’objectif est d’établir un retour d’expérience permettant d’apporter des principes de conception, mettre en avant les freins à ce type de démarche, avoir un aperçu de leurs impacts (économiques, environnementaux et de quantités de déchets) et enfin de promouvoir l’architecture préventive des déchets en montrant que des initiatives ont déjà été mises en place.
La gestion, le tri et la prévention des déchets sont des enjeux majeurs du domaine de la construction. Les déchets inertes et non-dangereux constituent la plus grande proportion de déchets émis par les chantiers. De nombreux projets ont montré que la conception pour la prévention, le recyclage des déchets et leur valorisation est possible. Cependant, la faible prise de conscience des maîtres d’ouvrage ne permet pas encore un recyclage systématique favorisant la revalorisation de tous les déchets.
A ce titre et d‘un point de vue sémantique et « marketing » de cette circularité économique souhaitée, il serait sans doute plus judicieux d’utiliser des expressions de type « matériaux de seconde vie » plus que celui de « matériaux issus de déchets de chantier », le mot déchet portant en lui-même une très forte connotation négative.
Pour atteindre les objectifs 2020 visant le recyclage de 70% des déchets, il faut prendre en compte le facteur économique pour réduire la concurrence de l’enfouissement et l’incinération des déchets, le facteur technique et logistique avec l’organisation et la répartition des tâches et responsabilités entre tous les acteurs impliqués dans le secteur.
Des projets comme BAZED proposent ainsi de traiter la problématique des déchets en amont pour limiter autant que possible la production de déchets et prévenir les déchets non recyclables.
Il apparaît nécessaire et utile, dans l’intérêt général de renforcer les innovations, les actions collectives et la montée en compétence des acteurs pour que les matériaux de seconde de vie, trouvent pleinement leur place dans le monde du bâtiment